Source: ONU (Le réchauffement climatique fait peser des menaces croissantes sur l’Afrique, selon l’ONU | ONU Info (un.org)), 2020

Résumé: Sécheresses, températures plus chaudes, inondations et même une invasion fréquente de criquets pèlerins ainsi qu’une persistance de maladies comme le paludisme, les conséquences du changement climatique sont durement ressenties en Afrique, et le pire est à venir sur la sécurité alimentaire, l’économie et la santé du continent, a alerté lundi l’Agence des Nations Unies pour la météo.

Le changement climatique menace de plus en plus la santé humaine, la sécurité alimentaire et hydrique et le développement socio-économique en Afrique », selon les conclusion d’un rapport multi-agences coordonnée par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), qui donne un aperçu des tendances climatiques actuelles et futures ainsi que l’impact économique de secteurs sensibles comme l’agriculture.

Selon ce nouveau rapport consacré exclusivement au continent, la hausse des températures et l’élévation du niveau des mers ainsi que la multiplication des phénomènes météo extrêmes menacent la santé et le développement socio-économique de l’Afrique.

« Le changement climatique a un impact croissant sur le continent africain, frappant plus durement les plus vulnérables et contribuant à l’insécurité alimentaire, au déplacement des populations et à la pression sur les ressources en eau », a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, Petteri Taalas, cité dans le communiqué de presse.

Une hausse des températures à un rythme comparable des autres régions

« Les risques deviennent plus graves », a mis en garde le rapport multi-agences sur l’état du climat en Afrique. Il note d’ailleurs que l’année 2019 a été l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées sur le continent. « Cette tendance devrait se poursuivre », ajoute le document, relevant une hausse des températures ces dernières décennies sur le continent.

Ce réchauffement est comparable à celui de la plupart des autres continents, et donc un peu plus rapidement que la température moyenne à la surface du globe. Les dernières prévisions décennales, couvrant la période de cinq ans allant de 2020 à 2024, montrent un réchauffement continu et une diminution pluviométrique, en particulier en Afrique du Nord et en Afrique australe, ainsi qu’une hausse des précipitations au Sahel.

Une grande partie de l’Afrique s’est déjà réchauffée de plus de 1 °C depuis 1901, avec une augmentation des vagues de chaleur et des journées chaudes. De vastes régions d’Afrique connaîtront un réchauffement supérieur à 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels d’ici les deux dernières décennies de ce siècle, selon les scénarios du cinquième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC).

Selon le GIEC, une réduction des précipitations est probable en Afrique du Nord et dans le sud-ouest de l’Afrique autrale d’ici la fin du siècle.

Sécheresse et inondations

S’agissant de l’élévation du niveau de la mer et de l’érosion côtière, il existe une grande variabilité régionale sur le continent. Par exemple, l’augmentation du niveau de la mer a atteint 5 mm par an dans plusieurs zones océaniques entourant le continent. Il a même dépassé 5 mm par an dans le sud-ouest de l’océan Indien, de Madagascar vers l’est, en direction de l’île Maurice et au-delà.

C’est plus que l’élévation moyenne du niveau de la mer au niveau mondial de 3 à 4 mm par an. De plus, la dégradation et l’érosion des côtes constituent également un défi majeur, en particulier en Afrique de l’Ouest. Plus de la moitié des côtes du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Togo sont en train de s’éroder et « cette situation devrait s’aggraver à l’avenir ».

Ces changements se sont également traduits par des événements extrêmes en Afrique. C’est le cas du cyclone tropical Idai, qui a été l’un des cyclones tropicaux les plus destructeurs jamais enregistrés dans l’hémisphère sud, faisant des centaines de victimes et des centaines de milliers de déplacés. D’une manière générale, l’Afrique australe a souffert d’une grande sécheresse en 2019.

En revanche, la Corne de l’Afrique est passée de conditions très sèches en 2018 et pendant la majeure partie de 2019 à des inondations et des glissements de terrain associés à de fortes précipitations fin 2019. Les inondations ont également touché le Sahel et les régions environnantes de mai à octobre 2019.

« Ces derniers mois, nous avons été témoins d’inondations dévastatrices, d’une invasion de criquets pèlerins et nous sommes maintenant confrontés au spectre imminent de la sécheresse en raison d’un épisode La Niña. Le bilan humain et économique a été aggravé par la pandémie de Covid-19 », a ajouté Petteri Taalas.

Le réchauffement des températures réduit le rendement des cultures

Dans les pays touchés de plein fouet par la sécheresse, le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté de 45,6 % depuis 2012, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « L’Afrique est donc un « point chaud » d’exposition et de vulnérabilité aux impacts de la variabilité et du changement climatique », avertissent les experts de l’ONU.

Sur la sécurité alimentaire, les projections du GIEC misent sur des effets dévastateurs de la production agricole et de la sécurité alimentaire. Parmi les risques pour l’agriculture, il y a la réduction de la productivité des cultures associée aux signes de chaleur et de sécheresse, une hausse des dégâts causés par les ravageurs, les maladies et les inondations sur l’infrastructure du système alimentaire.

Le réchauffement des températures réduit le rendement des cultures alors que l’agriculture est l’épine dorsale de l’économie africaine.

D’ici le milieu du siècle, les principales cultures céréalières d’Afrique seront touchées, bien qu’il y ait des variations régionales et des différences entre les cultures. Dans le pire des scénarios du changement climatique, une réduction du rendement moyen de 13 % est prévue en Afrique de l’Ouest et centrale, de 11% en Afrique du Nord et de 8% en Afrique orientale et australe.

Le riz et le blé devraient être les cultures les plus touchées avec une perte de rendement d’ici 2050 de 12% et 21%, respectivement. Dans le même temps, le mil et le sorgho se sont avérés être les cultures les plus prometteuses, avec une perte de rendement d’ici 2050 de seulement 5% et 8%, respectivement, en raison de leur plus grande résistance aux conditions de stress thermique.

Plus largement, pour des scénarios allant d’une augmentation de 1°C à 4°C des températures mondiales par rapport aux niveaux préindustriels, le produit intérieur brut (PIB) global du continent devrait diminuer de 2,25 % à 12,12 %. « L’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Est présentent un impact négatif plus important que l’Afrique australe et l’Afrique du Nord », souligne le rapport.

Energie et agriculture propres, des secteurs prioritaires

Sur le plan sanitaire, des températures plus chaudes et des précipitations plus importantes augmentent l’adéquation des habitats aux insectes piqueurs et la transmission de maladies telles que la dengue, le paludisme et la fièvre jaune.

A noter que le rapport sur l’état du climat en Afrique 2019 a été publié en marge d’une rencontre ministérielle pour souligner l’urgence de l’action climatique en Afrique. D’une manière générale, l’Afrique dispose également du réseau d’observation terrestre le moins développé de tous les continents.

Malgré ces « handicaps », l’Afrique a fait de gros efforts pour faire avancer l’agenda climatique mondial. En témoigne le taux très élevé de ratification de l’Accord de Paris avec plus de 90%. En outre, de nombreux pays africains se sont engagés à passer à l’énergie verte dans un délai relativement court. L’énergie et l’agriculture propres sont, par exemple, prioritaires dans plus de 70% des pays africains.

Sur le terrain, une approche prometteuse pour réduire les risques liés au climat et l’impact des événements extrêmes a été de réduire la pauvreté en promouvant la croissance socio-économique, en particulier dans le secteur agricole, qui emploie 60% de la population africaine.

Selon le rapport, la micro-irrigation solaire et efficace, par exemple, multiplie par cinq à dix les revenus agricoles. Il améliore ainsi les rendements jusqu’à 300% et réduit la consommation d’eau jusqu’à 90% tout en compensant les émissions de carbone par la production de 250 kW d’énergie propre.